guest story N°2 – retour à la source

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– scent story by Laureline –

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Just before turning fifty, one summer, Marie-Claire read Perfume by Süskind. There are certain books which, upon reading them, engender in us, or retrace, according to the philosopher Ricœur, the very contours of our life. For Marie-Claire, Literature suddenly gave her a nose right in the middle of her face. She know that she had one, perhaps even one more prominent than most, and more sensitive for she recognized in her nasal papillae the components of flowers and spices that a woman or man happened to be wearing during the day. All of a sudden, she discovered that this nose would help her heal others.

Marie-Claire had two first names, linked by a hyphen, two names composed by chance, as if by essence they granted their bearer two lives instead of just one. Marie-Claire had, in fact, had many lives, from her work in agro-alimentation in the Dordogne, directing regional cultures to her desire to create an entirely different culture and plant an artists’ residence in her town, which, thanks to funds from city hall and the state, had subsisted for nearly ten years. When the money ran out, Marie-Claire was forty years old. She thought that it was just as well, there were different joys for every decade.

She had just found out that her grandfather was a diviner, which finally explained the meaning of the tingling sensations she felt in her hands, the electric charges she experienced in full force not only when embracing others or gliding her hand over the handle of a car door, but the violent jolts that moved through her as soon as she approached any object made of iron. Then again, she had been well aware of the fact that people felt better when she rested her hands on their backs during long conversations. Her healing was such that though the artists’ residence was packed, the great calm and spirit of regeneration that reigned made it seem more like a spa retreat. Marie-Claire decided to train as massage therapist in Paris and join a massage therapy clinic.

Until she turned fifty, Marie-Claire dedicated herself to training in different therapeutic modalities for treating aches and pains with massage. It was while reading Perfume that her nose became a pharmaceutical laboratory on its own. She had a revelation: a body concealed odors where the body’s memory had been imprinted as if in colored characters on a sheet of paper. By working on these odors, one could undoubtedly modify the pains trapped inside of the body. In the next decade of her life, Marie-Claire decided to specialize in the aromatherapy massage.

When I paid her a visit in Paris, she calmly told me where she had found her calling: it was in a book devoted to a perfume-loving murder capable of controlling the minds of others, a scent puppeteer who unleashed human bodies by gently manipulating the delicate threads of odor.

Such a tale should have raised my suspicion about this masseuse. A shrewd mixture of her oils would undoubtedly have the power to command my body to unconsciously perform dangerous acts.

Then she explained to me about aromatherapy to treat severe amnesiacs. In hospitals, doctors would administer them chemical compounds that implant a sort of odor catheter in their memories which would draw out their memories to the surface of their mind piece by piece. I was suddenly filled with envy: I had always thought that inhaling a package of just opened Haribo strawberry gummies would bring me out of the deepest coma. To my great disappointment, floral-scented essential oils have nothing to do with chemical miracles. I would have adored being massaged with oil of warm bread rising in the oven and oil of butter saturating a French croissant.

In order to extract the hidden resin of my memory, buried in the recesses of my nose, Marie-Claire laid me down on a massage table, I heard the clinking of bottles she was opening, I had a pitied thought for the pure essence extracted from sacrificed flowers whose life had been crushed to reaffirm mine. Marie-Claire spread these concentrates over my skin, the scent of cedar, sage, the prickling of the lemon tree and the wild secrets of the mauve lilac and other more exotic smells whose names I don’t recall. While smoothing these odors to penetrate my skin, taking each cell of my body for a tiny nose unto itself, Marie-Claire lulled me with her voice.

After a half an hour of her verbal massage, I wondered, “How do you know which oils to use?”

Marie-Claire laughed, “I sense it through the vibrations in your body. When it responds well, my hands receive a discharge of electricity.”

My body suddenly appeared to me as an immense field left fallow for years over which Marie-Claire’s hands wandered slowly step by step, attuned to the slightest magnetic tremor that would send her subsoils of water. A well hollowed between my shoulder blades where Marie-Claire drew from the deep waters that she let my nose drink in to relax me. I was propelled from the massage table to a hilltop in a village of Charentes on a bed of thick, damp grass when rolling around in it, searching with your eyes for a four-leafed clover, nose brushing the ground, your tongue chances upon a taste of calcium from a pebble. I had sought these clovers at the foot of a statue of a crucifix which protected a square of wild greenery at its base. I treated myself to three of them for the occasion.

***

Retour à la source

– scent story de Laureline –

Juste avant ses cinquante ans, Marie-Claire lu, un été, Le Parfum, de Süskind. Certains livres nous engendrent aussitôt fini, ils refigurent, disait le philosophe Ricoeur, jusqu’aux contours de notre vie. Pour Marie-Claire, la Littérature lui donna soudain un nez en plein visage. Elle savait qu’elle en possédait un, plus proéminent que la normale peut-être, plus sensible aussi car elle reconnaissait jusque sur ses papilles les composants de fleurs et d’épices qu’homme ou femme portaient la journée. Soudain, elle découvrit que ce nez l’aiderait à soigner.

Marie-Claire avait deux prénoms, reliés par un trait d’union, les prénoms composés ont de la chance, comme si par essence ils accordaient à leur propriétaire deux vies au lieu d’une. Marie-Claire en avaient eu plusieurs des vies, depuis son travail dans l’agro-alimentaire en Dordogne, gérant les cultures régionales, à son désir de faire une tout autre culture et d’implanter dans son village une résidence d’artistes qui avec différents fonds de la mairie et de l’Etat avait pu subsister près de dix ans. Quand l’argent avait définitivement manqué, Marie-Claire avait quarante ans et se dit que ça tombait bien : à chaque dizaine, ses plaisirs.

Elle venait de se découvrir un grand-père sourcier, et enfin lui avait été révélé le pourquoi de ces chatouillements dans ses propres mains, de ses décharges électriques qu’elle prenait à tout va, pas seulement en embrassant les autres ou en frôlant une portière de voiture, mais des secousses violentes dès qu’elle approchait un objet contenant du fer, et puis elle avait bien remarqué combien les gens se sentaient mieux quand elle posait longuement ses mains sur leur dos en faisant la conversation, au point que sa résidence d’artistes ne désemplissait pas : on y trouvait plus de calme et de régénérescence qu’en Thalasso thérapie. Marie-Claire décida de suivre une formation de masseuse à Paris et de s’installer dans un cabinet en association avec d’autres.

Jusqu’à ses cinquante ans, Marie-Claire se dédia à diverses formations pour soigner les douleurs corporelles avec ses massages. C’est en lisant Le Parfum que son nez devint un laboratoire pharmaceutique à lui-seul. Elle eut une révélation : un corps recélait des odeurs où se trouvait la mémoire du corps comme imprimée en caractères colorés sur une page : en opérant sur les odeurs, sans doute on pouvait modifier les douleurs prisonnières dans le corps. Pour sa nouvelle dizaine, Marie-Claire décida de se spécialiser dans le massage aux huiles essentielles.

Lorsque je la consultai à Paris, elle me raconta ainsi tranquillement d’où lui venait sa vocation : c’était un livre consacré à un meurtrier amoureux des parfums, contrôlant même jusqu’aux cerveaux des autres, marionnetiste par l’odeur dont il tirait les fils subtils pour déchaîner les corps humains.

Cela aurait dû me rendre cette masseuse suspecte. Sans doute un mélange savant de ces huiles avait-il le pouvoir de commander à mon corps des actes inconscients dangereux.

Elle m’expliqua ensuite le travail en aromathérapie pour les grands amnésiques. A l’hôpital, les médecins leur donnent à respirer des composés chimiques pour que l’odeur se plante comme une sonde dans leurs souvenirs et les tire ensuite morceaux par morceaux à la surface. Je les enviai soudain : j’ai toujours pensé qu’humer un paquet de fraises Tagada Haribo fraîchement ouvert me sortirait du coma le plus profond. A mon grand regret les huiles essentielles aux senteurs florales n’ont rien à voir avec ces merveilles chimiques. J’aurais adoré être massée à l’huile de pain chaud gonflant dans le four et au beurre imprégant la pâte du croissant français.

Pour extraire les sucs cachés de ma mémoire, enfouis dans l’arrière-cour de mon nez, Marie-Claire m’allongea donc sur une table de massage, j’entendis le cliquetis de flacons qu’elle ouvrait, j’eus une pensée apitoyée sur cette essence pure extraite des fleurs sacrifiées, dont on avait broyé la vie pour raffermir la mienne. Marie-Claire répandit ces concentrés sur ma peau, odeurs de cèdre, de sauge, piquotement du citronnier et secret sauvage du Lilas mauve, d’autres senteurs plus exotiques dont je ne retins pas le nom. Tout en poussant celles-ci à pénétrer ma peau, prenant chaque cellule de mon corps pour un nez miniature, Marie-Claire me berçait de sa voix.

Après une demie-heure de massage parlant, je m’étonnai : “comment savez-vous laquelle de ces huiles choisir ?”

Marie-Claire rit : “Je le sens aux vibrations de ton corps. Lorsqu’il réagit bien, mes mains reçoivent une décharge de courant électrique.”

Mon corps m’apparut soudain comme un immense champ de terre laissé en jachère depuis des années, et que les mains de Marie-Claire parcouraient lentement, comme pas après pas, sensible au moindre tremblement magnétique que lui enverrait les sous-sols gorgés d’eau. Un puits se creusa entre mes omoplates d’où Marie-Claire tira des eaux profondes qu’elle donna à boire à mon nez pour me détendre. Je fus projetée de la table de massage au sommet d’une colline d’un village de Charentes, sur un emplacement d’herbes humides généreuses quand on s’enroule dedans, en cherchant des yeux un trèfle à quatre feuilles, le nez à raz de terre, et que la langue même s’aventure à goûter le calcaire d’un caillou. Ces trèfles, je les cherchai au pied d’un Christ en croix qui protégeait un carré de verdure folle à ses pieds et m’en offrit trois pour l’occasion.

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